Exposition et colloque "Drawing in an expanded field' - 300 ans de l'Académie Royale des Beaux Arts de Bruxelles / 30 ans de l'atelier de dessin.
Organisé par Lucien Massaert
MAAC - Maison Art Actuel des Chartreux - Bruxelles
du 25/05/11 au 19/03/11
avec Jean Arnaud, Pierre Baumann, Jean-François Desserre, Carine et Elisabeth Krécké
programme complet: http://dessindrawing.blogspot.com/
SCULPTURE
drawing, carve, bore and be bored...
(extrait du texte du catalogue)
Bien qu'ayant rempli un certain nombre de carnets, le dessin n'a jamais été une priorité (faire un dessin pour faire un dessin) dans mon travail parce que j'ai toujours entretenu un rapport plutôt frais avec la représentation (dans ma façon de faire en tout cas, et dans un premier temps), ce qui rapidement m'a conduit vers la sculpture (j'aurai l'occasion de m'en expliquer). Assez tôt, j'ai été très impressionné par les écrits d'Henry Moore à ce sujet et par les expériences de Nauman, d'Heizer, de Serra et de Brancusi (un dessin dans l'espace). En vérité, le dessin, comme la peinture et la photographie, reste pour moi une façon de faire de la sculpture. En écrivant cela, j'ai bien conscience de fausser le système élargi qui me préoccupe, mais ceci résume ma façon de voir la sculpture et le dessin comme deux pratiques indissociables, assez fidèle aux analyses de Rosalind Krauss auxquelles cette exposition se réfère.
Ce projet prend racine dans une série de sculptures destinées à réaliser quelques expériences d'optique et qui, elles-mêmes, conduisent à quelques réalisations photographiques et graphiques de nature assez stellaires, toutes soumises à de lentes, répétitives et fastidieuses procédures de travail. En somme, (ajouter virgule) c'est une étude poétique sur des données sculpturales non insistantes et nomades. Non insistantes parce qu'elles apparaissent souvent par opportunité, et nomades parce que j'envisage ces choses comme transportables et à activations variables. Et le poncif - constitué de petites perforations qui viennent cribler certains dessins pour faciliter leur transfert « mécanique » par pulvérisation de ponce sur un support plus définitif - participe à l'incarnation de l'ennui par le vide.
(...)
De façon moins détournée, ces dessins récents reviennent sur quelques-unes de mes procrastinations canadiennes d'il y a un an, séjour au cours duquel j'avais tenté de bisuter et de bisoter une certaine forme de sculpture graphique, littéraire et quasi plate (littéralement et sémantiquement), immergée dans des considérations spatiales éthérées, concentrées, portées par une stratégie créative décalée et guidées par l'aphorisme melvillien « I would prefer not to... », dont il fallut négocier l'aporétique désoeuvrement. J'avais pris un plaisir intense, pendant un mois, à perdre mon temps dans une pratique délibérément insouciante et déplacée en vue d'en tirer quelque bénéfice littéraire (l'écriture d'un roman sur l'optique toujours inachevé !). Le plaisir sensuel et immédiat de la pratique et son optimisme l'avaient une fois encore emporté, malgré la profonde et fastidieuse banalité des tâches que je m'étais affectées : percer des trous, tailler des bouts de bois comme Lucky Luke, (...), tout ça pour ne pas avoir à écrire.
Ce que je cherche à cultiver, c'est le plaisir du contact avec les choses malgré la prégnance de plus en plus importante des modes de communication numériques et des modes d'archivage avec lesquels il faut débattre. Comment conserver une part d'hapticité en chaque chose, comment rendre activable encore et toujours le sens du toucher pour voir ? Comment filtrer ? Comment sculpter/dessiner la discrétion ?
Peut-être par la défaillance assumée de la mémoire comme sensibilité profondément érotique de l'expérience créative. Peut-être aussi par quelques ambitions décroissantes.
Faire une sculpture qui ne raconte presque rien, ce serait faire un dessin presque parfaitement perméable, hyperperforé. Poncif à banalité extrême.
Le souffle de l'ennui colporte le déluge de la matière. L'ennui comme moteur de l'imagination.
Le (négatif) photographique et le dessin comme impression haptique sur la rétine (mémoire rétinienne) d'une sculpture nomade. In the pocket.
voir la communication du colloque.